Au téléphone
Malentendante depuis mon enfance, c’est à l’âge de 12 ans que j’ai eu confirmation de mon déficit d’audition (alors d’environ 40 %). Je fus appareillée en 1982 à gauche, mon oreille droite était devenue trop faible pour subir le même sort. Je n’ai pas connu le chant des petits oiseaux, mais j’ai vécu ordinairement ou presque ma vie affective, sociale, professionnelle grâce essentiellement à la lecture labiale…Cependant, il est une situation dans laquelle je me sens toujours en difficulté : le téléphone.
Dring… dring… dring… Oh ! Le téléphone ! Je suis près de celui de l’entrée, mais bien qu’il soit muni d’un amplificateur comme tous ceux de l’appartement, il ne fonctionne plus pour moi depuis plusieurs semaines, je n’ai pas trouvé pourquoi… Je cours donc au bureau. Dring… dring… dring … me voilà ! C’est sur la ligne de France-Télécom. Je regarde l’écran « Appel inconnu » : aie ! Je décroche ou je ne décroche pas ? J’ai tellement de mal à comprendre que j’hésite quelques secondes : il est si difficile de faire comprendre le problème à quelqu’un qui n’en a pas l’habitude. Dring… dring… dring…, il ou elle insiste : j’arrache mon appareil auditif et je décroche de la main gauche (habitude prise depuis bien longtemps)
_ »Allo »
_ zrtyg ehioradde xfhtyrlqgsd
_ excusez-moi, je suis malentendante et je ne vous comprends pas. Pouvez-vous parler moins vite, s’il vous plait ?
_ klhfè ghatgrfh usyguùq zùg
_ attendez un petit instant, je vérifie le réglage de mon téléphone.
Le volume de l’ampli est au maximum, la tonalité bien placée… je reprends :
_ pouvez- vous d’abord me préciser qui vous êtes ?
_ qtf monsieur fgdyq gdf saint joseph
_ Ah ! Vous voulez sans doute parler à mon mari, il n’est pas là en ce moment, il travaille, si vous pouvez, rappelez-le ce soir, quand il sera rentré (j’en rajoute instinctivement pour retarder le moment d’écouter de nouveau)
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_ Non, monsieur, je suis désolée, mais je ne vous comprends pas, rappelez ce soir après 18h, mon mari vous répondra. Au revoir, monsieur.
Pas très polie, peu attentive, je le reconnais mais le téléphone me crispe… Fort heureusement, je vis à une époque merveilleuse : le courrier électronique me permet tant de confortables communications !
Nicole