La vie malentendue. « j’étais sourd et je ne le savais pas »
De Gérald SHEA
Gérald SHEA est devenu sourd sévère dans ses très jeunes années, probablement à la suite d’une scarlatine mal soignée. Étant donné que personne ne s’est aperçu alors de son handicap, il a effectué une scolarité normale qui l’a conduit, grâce à une grande intelligence et une énorme capacité de travail, à devenir avocat. Sa surdité a été diagnostiquée à l’âge de 34 ans seulement, ce qui l’a amené à être appareillé assez tardivement.
Deux termes reviennent souvent dans ce livre : l’emploi des « lyriques » et la notion de « sourd partiel ».
Les « lyriques » , terme propre à l’auteur, désignent les phrases qu’il entend et qui sont forcément déformées à cause de son handicap. Ces phrases nécessitent d’être déchiffrées à posteriori afin de retrouver, par déductions successives, la phrase d’origine et par conséquent son sens véritable.
Par exemple :
Le lyrique « Peut-être avez-vous un poème Othello « – poème – problème – Othello – au cerveau –
Devient « peut-peut-être avez vous un problème au cerveau ».
Gérald Shea raconte comment, notamment durant sa vie d’étudiant, il recopiait ses « lyriques » entendus pendant les cours en vue de les relire et de les déchiffrer le soir venu afin d’en retrouver la vraie signification. Un travail de fourmi assez incroyable mais qui était devenu pour lui tout à fait naturel car il pensait que c’était pour tout le monde pareil mais qu’il était peut-être plus lent que les autres à comprendre…
La notion de « sourd partiel » est employée par l’auteur en remplacement du terme de « malentendant », trop vague et pas assez explicite. Le sourd partiel se situe entre les entendants et les sourds profonds et j’ai trouvé cette appellation assez pertinente et bien imagée.
Extrait : « J’allais trouver les parties manquantes de moi et mesurer à quel point les lyriques, lorsque nous bataillons pour découvrir les pensées des autres, font que le sourd partiel n’est jamais vraiment bien dans sa peau, quel que soit le monde qu’il choisit. »
« La vie malentendue » est un livre assez dense. L’auteur y retrace non seulement sa vie, avec ses difficultés liées au handicap, mais nous offre également un récapitulatif assez complet sur la question de la surdité : fonctionnement de l’oreille (pages 44 à 46), prothèses auditives (pages 191 à 193 ), langage (pages 200 à 204), histoire de la surdité. L’auteur a passé la seconde partie de sa vie à se documenter sur le sujet et nous transmet ses connaissances mais aussi son analyse de la question.
On trouvera en fin de livre une longue liste d’ouvrages complémentaires sur les questions abordées.
En fin de compte, un témoignage intéressant et bien documenté