Devenue sourde et implantée, je me sens en général « malentendante » mais pas sourde. La communication orale, grâce à l’implant et mes accessoires, ne me pose pas trop de problèmes quand le lieu est calme.
J’ai la chance d’habiter dans les Alpes à quatre kilomètres d’un grand lac naturel privé où la baignade est autorisée à plusieurs endroits. Comme j’adore nager, j’ai profité chaque jour de cette étendue d’eau depuis début juin jusqu’à fin septembre. Toutefois il se posait le problème de la sécurité de mes affaires laissées sur la plage. J’avais trouvé une pochette étanche pour ma clef de voiture mais mon implant et mon appareil auditif, je n’ai pas osé les prendre dans l’eau, ni les laisser dans mon sac ou la voiture.
Je partais donc sans appareils. Les premiers trajets en voiture étaient un peu bizarres car pour changer de vitesse, j’avais l’habitude d’écouter le moteur mais sans appareils j’avais perdu mes repères. Arrivée à la plage, j’ai arrêté la voiture mais en sortant du véhicule, je ne savais pas si le moteur était vraiment éteint.
A l’entrée de la plage, j’ai demandé une carte d’abonnement. Grâce à l’affichage et à la lecture labiale j’ai compris le prix et je me suis dirigée vers l’eau. Il y avait beaucoup d’enfants qui jouaient, aussi ils devaient rire et crier mais je n’entendais rien. Les premiers jours, j’ai nagé bien sagement des longueurs à l’intérieur des lignes, mais cela devenait rapidement très monotone.
J’avais envie de suivre le bord du lac pour regarder le paysage et les splendides maisons. Quand on est sourd, on n’entend pas les bateaux à moteur ou les planches à voiles arriver et on est en danger aussi je ne traverse plus le lac comme je le faisais autrefois.
Dans un grand magasin de sport, j’ai trouvé un sac fluo gonflable qui s’attache avec une sangle autour de la taille, ce qui permet d’être vue et de s’y accrocher si on est en difficulté.
Ainsi équipée, j’ai nagé chaque jour une demi-heure sans me faire de souci, sans risque et je revenais complètement détendue à la maison.
Au bout de quelques jours, j’ai commencé à sentir les vibrations de la voiture et la conduite a été plus aisée. Dans l’eau, j’étais très attentive à la température ( il y a des courants chauds et froids, car il y a des sources), à l’agitation de l’eau lorsqu’un bateau à moteur ne passait pas loin, au vent et aux zones d’ombre et de lumière créées par de grands arbres. Bien souvent, les oiseaux de la réserve naturelle qui jouxte le lac, plongeaient dans l’eau pour pêcher de petits poissons.
J’étais sourde pendant une heure mais au lieu de me sentir angoissée, j’ai vécu ce temps-là comme une méditation et j’ai appris à plus faire confiance aux autres sens ; la vue, le toucher etc.
Une belle expérience personnelle qui m’a enrichie.
Aisa Cleyet-Marel