Le 2 février dernier, un Webinaire autour des acouphènes était organisé par le CNIS, Centre National d’Information sur la Surdité (de Surdi info) en partenariat avec différents organismes : France Acouphènes, OVE, la Fondation Handicap du groupe Malakoff ainsi que le Ministère des Solidarités.
Nous avons commencé par trois témoignages. Trois hommes souffrant d’acouphènes racontant leur parcours, leur souffrance face à une pathologie qui leur « pourrit » la vie :
un musicien qui pratiquant aujourd’hui la thérapie sonore,
un prof des écoles, malentendant avec acouphènes, appareillé depuis 2019 après grande période de refus qui pratique sophrologie, méditation, marche et sport,
un autre musicien qui utilise les bouchons d’oreille pour se protéger.
Trois personnes qui nous rappellent combien cette pathologie est invalidante et difficile à surmonter…
Plusieurs intervenants ont pris la suite pour faire un rapide tour de la question et surtout, lister certaines aides existantes et encore peu connues :
Tout d’abord, Le Dr Didier BOUCCARA, O.R.L. nous a expliqué qu’on distinguait deux types d’acouphènes :
les acouphènes subjectif (la majorité) que seul l’intéressé entend, et les acouphènes objectifs (représentant 5%)des cas) qui correspond à des bruits du corps (pulsations, cœur). Ceux-ci peuvent être entendus par le médecin à l’aide du stéthoscope et relèvent d’un mauvais fonctionnement du système auditif (composé de : oreille externe et moyenne, oreille interne avec cochlée, neurotransmetteurs avec nerf auditif, cortex auditif.)
15% de la population française a ou a été à un moment donné sujet aux acouphènes, soit 1 personne sur 7, sachant que la proportion augmente avec l’âge. Dans le monde, cela représente 750 millions de personnes (à des niveaux très différents bien sûr).
Le rôle de l’ORL consiste à effectuer un examen assorti d’un questionnaire afin de mesurer les impacts sur le sommeil, la concentration et la vie courante : examen des tympans, audiogramme tonal et vocal, tests d’acouphénométrie mesurant la fréquence et l’intensité des acouphènes.
Parfois, les acouphènes ne concernent qu’une oreille. Il est alors indiqué de faire des examens complémentaires (par ex scanner) afin de détecter une éventuelle anomalie (tumeur par ex). Ils peuvent également provenir de problèmes musculaires (5% des cas).
Ensuite, le Dr Michel KOSSOWSKI, O.R.L. à Paris, rattaché à l’AFREPA* nous a expliqué l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire, insistant sur la notion de prise en charge, différente de celle de traitement, à ce jour inopérant.
Les patients sont multiples. Les réponses sont également multiples : ostéopathie (occlusion dentaire, mâchoires), médicament, psychologue, audioprothésiste, etc
Cela nécessite du temps et une équipe pluridisciplinaire capable de travailler ensemble.
C’est pourquoi AFREPA a été lancé en 2008 pour une prise en charge des acouphènes et de l’hyperacousie par des équipes pluridisciplinaires.
Il est à noter que sur le site, on trouve une carte interactive retraçant le maillage du territoire.
Chaque pôle se compose d’une équipe avec un noyau dur constitué d’un ORL, d’un audioprothésiste et d’intervenant psys (psychologue, sophrologue, thérapeute)
Le travail à effectuer tend vers l’acceptation de l’acouphène plus que sa guérison totale.
Mr DEMAITRE est audiprothésiste à Lyon à l’Hôpital Edouard Herriot, service du prof ThaïVan (Pôle AREPA de Lyon).
Après la visite ORL, il consacre une heure au patient et réalise éventuellement une acouphénométrie.
En cas de perte auditive, un appareillage est proposé, sachant que des progrès importants ont été faits au niveau des hautes fréquences, là où sont les acouphènes. Il s’agit d’effectuer un rééquilibrage entre les sons entendus et les acouphènes. Cela donne souvent de bons résultats.
Sinon, on va se tourner vers une TRT ou thérapie à base de sons filtrés appelés aussi « bruits blancs »
Patricia GREVIN est sophrologue au sein de l‘équipe du Dr KOSSOWSKI
Elle a écrit un livre sur son parcours acouphénique. N’ayant pas trouvé d’aide auprès de la médecine traditionnelle, Patricia s’est tournée vers la sophrologie qui lui a permis d’accepter ses acouphènes.
Elle a créé sa propre méthode qui consiste en 6 séances d’une heure réparties sur plusieurs mois (2 à 4) incluant des exercices simples de méditation en pleine conscience.
Elle fait partie du réseau « Pôle Sophrologie Acouphènes » regroupant environ 200 sophrologues en France.
Le livre de P. Grévin vient de sortir et s’intitule « Acouphènes, un nouveau protocole de sophrologie pour les soulager » aux éditions Médicis
https://www.ouiemagazine.net/2023/02/02/patricia-grevin-publie-protocole-sophrologie-acoupheniques/
Il sera prochainement à la bibliothèque de l’ALDSM !
Mme MOATI est psychologue à Paris :
Selon elle, le processus d’aide psychologique prend du temps mais donne des résultats : expérimentation des émotions, sensations, zoom et dé-zoom de son oreille, temps cognitif pour mettre à distance « radio-acouphènes ». Il vise à redynamiser une vie qui s’est appauvrie par l’obsession des acouphènes.
Le but est avant tout d’aider le patient à sortir du catastrophisme et des mécanismes de fixation.
Robin GUILLARD, lui, est doctorant en neurosciences.
Partant du constat qu’il existe sur les réseaux sociaux des regroupements importants de personnes concernées par les acouphènes (environ 15000 membres sur facebook), il a mis en place dans le cadre de ses études de doctorat un projet de communauté d’entraide sous la forme d’une application smartphone touchant aujourd’hui 2750 personnes : SIOPI
Le but de cette application est de rapprocher les personnes qui ont les mêmes symptômes à partir d’une base de données de témoignages. Elle cherche également à rapprocher patients et chercheurs lors de lancement d’études.
L’application utilise un blog et une newsletter, informant sur les études cliniques en cours, les actualités autour des avancées de la recherche. Un véritable outil collaboratif !
Jacques FOENKINOS, président de France Acouphènes est un personnage !
Il nous présente l’Association traitant de diverses pathologies : acouphènes, hyperacousie, maladie de Ménière, Neurinome de l’acoustique (maladie rare). L’association reconnue par 3 ministères :
de la Santé, du Handicap et de l’Éducation Nationale (sensibilisation dans les écoles) et intégrée au CNIS (Centre National d’Information sur la Surdité) depuis 2020.
Elle joue un rôle de soutien et d’écoute (qui manque souvent chez les professionnels) face aux nombreux « appels au secours ».
Elle organise des groupes de parole (en visioconférence depuis le Covid), souvent spécialisés par pathologie. Le but est de tendre vers une réduction du stress et de l’angoisse qui sont les « carburants » de la maladie.
Il observe, par le biais des sensibilisations à l’école, le début d’une catastrophe sanitaire chez les jeunes (sur une classe de 26 élèves de CM, 11 ont déjà eu des acouphènes) qui le conduit à dire que notre société est en train de fabriquer une génération de malentendants (loisirs bruyants, musique à fond).
Selon lui, trop de médecins ORL ne s’intéressent pas au problème des acouphènes. Il est courant d’entendre « je ne peux rien pour vous, il faut vivre avec ».
Il faut montrer aux patients qui font du « nomadisme médical pour trouver le médecin fakir » un chemin de sortie !
L’association travaille en partenariat avec la CPAM avec l’apport d’un comité scientifique, publie une revue trimestrielle (2 millions de personnes consultent le site) et manque de bénévoles !
L’adhésion s’élève à 22€ par an, une somme modique…
Laurence